Mon père ce héros…Combien de fois ai-je entendu ces vers racontés d’un air impérial par mon père. Pour moi, le Héros, c’était lui. Sa façon de parler des copains, des mineurs, du syndicat, de sa vie, ajoutés à sa force musculaire et à sa bonté m’ont donné l’image de l’homme extraordinaire.
Un des meilleurs élèves de la classe, il termine ses études à douze ans, après le décès de son père. Il fallait maintenant participer aux dépenses de la famille. Après un essai non concluant dans une menuiserie, il veut rejoindre ses copains à la mine où les salaires sont supérieurs, au grand regret de sa mère, qui n’aurait pas voulu qu’il suive la noire destinée familiale. Florina pour le décourager de cette regrettable initiative demande au gouverneur de lui fournir un travail pénible pour sa première journée. L’ouvrage fut rude et le soir venu le chef de chantier lui demanda
« Alors, petit pas trop fatigué,
~ J’ai bien un peu mal aux reins. »
Les reins, en bon stéphanois, signifiant le dos. ‘’Le redoutable’’ chef repris. « Si tu ne peux pas faire va téter ta mère » La réponse fut sèche mais ne suffit pas à décourager mon père, la deuxième journée le travail était aussi dure que la première mais n’emmena aucune réflexion. Il commençait une longue carrière de mineur de fond de trente trois années, Il refusa même les promotions, il ne voulait pas commander les copains. Plus tard, père de famille il regretta très peu sa décision.
Lorsque j’étais enfant, j’étais impressionné par son pouce droit réduit à une seule phalange, c’était son premier accident lorsque un choc entre deux bennes lui avaient ce doigt l Il n’y eu pas d’autre solution que d’amputer. Il eu d’autres accidents comme celui où comme ‘’ toucheur’’ il guidait son cheval à travers une galerie lorsque celle-ci s’est effondrée, le recouvrant presque entièrement. Dans un hennissement l’animal se cabra puis retomba, il avait eu l’instinct ou l’intelligence de ne pas appuyer sa lourde patte sur la poitrine de mon père et de se tenir assez proche de lui pour qu’il puisse attraper les rênes, il le tira lentement pour l’emmener hors_de l’amas de pierres. Par chance mon père eu seulement une côte cassée.
Un incident où il se mit en évidence. Les inondations étaient nombreuses dans les galeries. Un jour où une galerie du puits Rambaud était inondée. Mon père après sa journée de travail du redescendre pour remettre les pompes en service. Il lui fallu traverser la partie inondée pour désengorger les pompes. L’eau nauséabonde montait régulièrement, elle arrivait déjà à hauteur de son cou lorsqu’il a atteint les pompes, il avait risqué à chaque pas la chute, la noyade ou même l’électrocution si l’eau avait atteint les partis électriques, l’eau a pu enfin s’évacuer à l’extérieur, dans le Riodeley petit ruisseau qui nous semblait une grande rivière.
Ce sont des souvenirs bien personnels, c’est avec émotion que, plus tard, nous l’écoutions, nous parler de son travail. La mine c’est toujours un combat contre les éléments, un combat social, un combat pour la vie.
En 1948 Le mineur qui l’avant-veille était considéré comme le premier ouvrier de France celui qui à remporté la bataille de la production, permettant le redressement du pays se voit remettre en cause ces statuts. Les mineurs de France et ceux de la Loire mènent alors une grève qui constitue une page héroïque de l’histoire ouvrière. Mon père participait à ce mouvement, qui commença le 7 octobre dans un calme apparent, mais les manœuvres gouvernementales firent entrer la troupe sur le territoire minier. C’est sur la Loire et le Gard que le gouvernement concentra la majorité de ses troupes. Une véritable guerre civile se dessinait où les mineurs restait maître du terrain. Le ministre de l’intérieur, Jules Moch, n’hésita pas à donner l’ordre de tirer. Par quelques informations mensongères, la presse et la radio semèrent la panique. L’idée de la grève générale s’imposa à la majorité de la classe ouvrière. La direction de la CGT recourut à toutes sortes d’explications pour s’opposer à ce mot d’ordre de grève générale. Les mineurs poursuivirent leur grève aidés par la solidarité matérielle des travailleurs, collectes à chaque paye, évacuation et hébergement des enfants des mineurs. Le 29 novembre la fédération des mineurs donna l’ordre de reprise du travail le mouvement étant complètement désorganisé. C’était une lourde défaite pour le mouvement ouvrier, de nombreux mineurs furent emprisonnés. Le gouvernement s’est livré à une odieuse répression contre les travailleurs immigrés. Le monde ouvrier eu encore des ressources, de nombreuses grèves ont émaillé la vie des mineurs en particulier ceux de Saint-Étienne, mais le mouvement syndical s’est retrouvé très affaibli et divisé.
De nombreux enfants de Côte-Chaude, de ce quartier de mineurs, firent accueilli en Savoie, mon père ne nous laissa pas partir. « Nous ne mangeront qu’une soupe, mais nous la mangerons ensemble » et pour la première fois, j’ai vu des larmes dans ses yeux.